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Comprendre le suspens selon Hitchcock

On entend souvent parler d'Hitchcock comme du  Maître du suspens. Cela peut paraître légèrement surfait, et il semble alors intéressant de voir ensemble ce qu'est le suspens à la sauce Alfred Hitchcock, et finalement ce qu'est le suspens tout cour puisqu'il en est l'un des théoriciens et des grands inventeurs. 

 

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Avant toute chose, séparons deux choses : suspens et horreur. L'un génère de l'angoisse tandis que l'autre génère de la peur voire de la terreur si il est correctement utilisé. Le suspens se retrouve majoritairement dans des thrillers bien qu'aussi dans des films d'horreurs afin de faire monter la pression. La terreur se retrouve dans les films d'épouvante. Ces émotions bien distinctes sont passées au travers de procédés différents. Pour ce qui est du suspens nous allons y venir. Mais débarrassons nous dès à présent de la question des films d'horreurs et donc de la peur. Deux procédés sont particulièrement efficace pour effrayer le spectateur. Il y a tout d'abord le Jump Scare qui consiste à créer une tension palpable à l'écran avant de la relâcher soudainement par un événement fulgurant, qu'il soit effrayant en lui-même ou non. Le spectateur réceptif devrait normalement sauter d'effroi de son siège, d'où le terme Jump scare. Cet effet perd cependant de son efficacité au fur et à mesure qu'il est réutilisé dans de nombreuses œuvres. Un spectateur habitué saura donc les reconnaître et éviter leurs effets. Le second procédé est de mettre mal à l'aise le spectateur en lui montrant des choses inhabituelles, glauques, gores et j'en passe. Cela créera un sentiment de malaise générant lui-même un sentiment de peur voire plus selon la sensibilité du spectateur qui doit bien sur être prise en compte. 

 

Nous en arrivons maintenant au suspens et donc aux thrillers, grande spécialité d'Alfred Hitchcock. Le suspens nous l'avons dit est question de stress ou d'angoisse, l'un étant moins fort que l'autre. Voilà ce que veut Hitchcock comme ressenti pour ses spectateurs. Son moyen de créer ce sentiment se résume dans cette théorie : faites une scène avec deux hommes discutant dans un bar. Vous avez deux solutions. La première c'est de faire exploser à un moment opportun une bombe. La seconde c'est de montrer la bombe aux spectateurs mais pas aux deux personnages. C'est simple. La première scène est un cas de Jump scare appliqué au thriller. La seconde est un cas de suspens hitchcockien comme on en fait plus. Le sentiment d'angoisse du spectateur, ici, se base sur son sentiment d'impuissance. En effet, il sait qu'une bombe va exploser mais ne peut pas prévenir les personnages puisque ceux-ci sont immatériels et inexistants au-delà de l'oeuvre. Grâce à cette technique, on peut faire durer l'angoisse sur une longue période de temps. Le meilleur exemple de cela dans l'oeuvre d'Hitchcock est la scène du Royal Albert Hall de la seconde version cinématographique de L'homme qui en savait trop. Résumons la scène : nous savons qu'un homme d'état va être assassiner par un tueur à gage lors d'un concert (mené d'ailleurs par Bernard Hermann, le compositeur hitchcockien par excellence), et nous savons à quel moment exact le coup de feu fatal va être tiré. Mais voilà que Hitch pousse le vice jusqu'au bout ! En effet, le personnage principal tenu par Doris Day est aussi au courant du meurtre qui se prépare. Seulement, elle ne sait pas à quel moment le coup va être tirer. Le spectateur et le personnage ont donc des informations qui se recoupent et qui pourraient sauver la future victime. Le spectateur et le personnage se trouvent dans une position d'impuissance totale faisant monter la tension à son paroxysme, tension d'autant plus renforcée qu'elle s'étend sur huit minutes.

 

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Cependant, le sentiment d'impuissance peut se maintenir au niveau du personnage uniquement. C'est ainsi que la scène de Rear Window dans laquelle le meurtrier se rend chez le héros est tout aussi angoissante que celle que nous avons décrit plus haut. Le héros, cloué dans un fauteuil roulant à cause d'une jambe cassée, habitant au second étage, doit trouver un moyen d'échapper au meurtrier qui arrive chez lui. Dans sa situation, il se trouve totalement impuissant sachant qu'il ne peut ni fuir ni se cacher. L'angoisse augmente au fur et à mesure que les pas du "méchant" se rapprochent et que le personnage cherche une solution pour se tirer du pétrin dans lequel il se trouve. 

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Cette scène illustre encore un autre procédé très utilisé par Hitchcock : le silence. Contrairement à ce que l'on peut penser et à ce que nous montrent des films plus récents, le suspens ne tient pas forcément dans des notes dissonantes ou stridentes (Les dents de la mer par exemple). L'atout du silence est qu'il est réel, encré dans la réalité. Tandis que la musique est un échappatoire émotionnel, le silence ne permet aucune bouée de sauvetage. Le spectateur doit alors faire face à ses émotions - ici son angoisse - ce qui donne à la scène un effet plus vif. C'est le cas pour Rear Window comme pour The birds et Psychose. "Comment ?!" vous étranglez vous, "l'angoisse dans Psychose tient dans les fameuses notes de la scène de la douche !" criez-vous encore ! Que nenni vous dis-je ! Les notes stridentes de cette célébrissime scène amènent un Jump Scare qui prend effet lorsque Norman Bates (ceci est un spoiler, désolée) ouvre le rideau. Le début de la séquence, lorsque Janet Leigh se douche, lorsque l'on aperçoit la silhouette effrayante et le couteau qu'elle tient, est rythmée par un superbe silence. Silence dans lequel nous hurlons à l’héroïne qu'elle va se faire tuer dans un magnifique mélange d'angoisse impuissante et silencieuse. 

 

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Vous êtes maintenant à la page. Le suspens hitchcockien tient dans l'impuissance et dans l'utilisation de la musique et du silence - car nous l'avons vu avec L'homme qui en savait trop, la musique a aussi son effet. Vous allez pouvoir vous la jouer à la cinémathèque française !



27/05/2014
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